Éditorial
Cette nouvelle livraison d’eContact! offre une sélection d’articles présentés dans le cadre du Symposium Électroacoustique 2010 de Toronto. Des textes portant sur des questions relatives à la performance, l’enseignement et la composition dans le domaine de l’électroacoustique, ainsi que des entrevues et discussions avec des compositeurs et interprètes complètent ce numéro.
La quatrième édition du TES avait lieu du 4 au 7 août 2010. 1[1. Pour l’horaire des communications et les textes, consulter le site Web du TES 2010.] Mise sur pied en 2007 par le président de la CEC, David Ogborn (qui en assume la présidence depuis), cette conférence annuelle est une présentation conjointe de la CEC et de l’organisme torontois New Adventures in Sound Art (NAISA).
Cette conférence est une excellente occasion pour les artistes et chercheurs de présenter leurs travaux récents dans un environnement accueillant et enthousiaste. Avec la présence de Christian Calon à titre de conférencier invité, les communications de l’édition de 2010 couvraient toute une gamme de sujets relatifs à l’électroacoustique en général, de la « cognition, interprétation et analyse » à « l’enseignement en électroacoustique », en passant par « instruments et interaction », la « musique tangible » et bien plus encore.
Artiste et instrument : performance
Les instruments, de même que les pratiques et dispositifs de performance sont des thèmes récurrents au TES. 2[2. Pour une sélection d’articles tirés des éditions antérieures du TES, consulter les numéros 10.3, 11.2, 11.4 d’eContact!; au sujet des instruments et des pratiques de performance, voir en particulier Waterman, Pritchard, Eigenfeldt et Leonardson.] Dans « In Search of Tools for the Laptop Ensemble », Arne Eigenfeldt commente son expérience à la tête d’un « LOrk » (laptop orchestra) à l’Université Simon Fraser de Vancouver, et discute des aspects pratiques et pédagogiques de cette approche qui gagne en popularité. Dans « The Power of One: Performance modes on the T-Stick digital musical instrument », D. Andrew Stewart présente un « instrument numérique pour musiciens » développé à l’Université McGill (IDMIL et CIRMMT) depuis 2006, en plus de partager ses réflexions sur les capacités « expressives » de l’instrument.
L’artiste et son milieu : paradigmes d’une pratique
Une autre série d’articles jette un regard critique sur différentes normes concernant la pratique de l’électroacoustique dans son ensemble, notamment au sujet des moyens technologiques employés, de la présence ou non de contenu sémantique dans les matériaux sources, des critères permettant d’établir les jalons historiques dans ce domaine, et des effets de ces questions sur différents aspects de la pratique.
À partir d’un aphorisme de McLuhan, Tim Harcourt-Powell se penche, dans « Shape tool. Shaped by tool. Reshape tool? », sur les défis que rencontrent les artistes d’aujourd’hui à l’égard de leur tentative de transcender les traces laissées par les moyens technologiques (outils) qu’ils utilisent dans leur travail de création… outils qu’ils ont eux-mêmes d’abord créés : l’emploi généralisé d’outils uniformisés par l’industrie engendre une certaine uniformisation de la création. Pour sa part, Dugal McKinnon réfléchit à la nature des sons employés par les compositeurs. Dans « Awkward Ecologies: Sound-based music », il plaide pour la création d’une musique de sons qui problématise, accueille et explore le contenu sémantique du son 3[3. Au sujet de l’emploi de sons anecdotiques dans la musique acousmatique, voir également « Interview with Robert Normandeau ».], contrairement à une approche du son qui le considère principalement comme « une entité formelle abstraite », à la manière de Boulez ou de Schaeffer.
« Masterpiecing Electroacoustic Music: Pedagogical reflections from a musicological perspective » nous permet de suivre la réflexion de Cathy Cox sur la représentativité de la programmation d’un concert de « Chefs-d’œuvre électroacoustiques » présenté à l’Université Columbia en 2000. Elle se demande si les pièces sélectionnées pour le concert se démarquent réellement en fonction de leur valeur universelle intrinsèque ou si elles sont simplement les « meilleurs » représentants de certaines pratiques. Elle conclut en disant que ce genre de programmation est davantage le reflet des goûts personnels du commissaire de l’événement que d’une norme universelle permettant d’identifier les « meilleures œuvres ».
L’œuvre et le public : la perception
Dans « Musique acousmatique and Imaginary Spaces », Bijan Zelli poursuit ses recherches sur la perception subjective de différents types d’espaces dans la musique acousmatique (selon les définitions de Dhomont et de Bayle) et des diverses « stratégies » de projection ou diffusion couramment appliquées pour la présentation de ce type d’œuvres. Pour Alexa Woloshyn, la perception de la forme est un processus auquel contribuent les fonctions structurelles d’une composition. Elle développe cette notion grâce à l’analyse d’un cycle d’œuvres présentant des similitudes de formes et de matériaux sources, analyse dont elle dévoile les résultats dans « Wallace Berry’s Structural Processes and Electroacoustic Music: A Case study analysis of Robert Normandeau’s ‘Onomatopoeias’ cycle ».
L’expérience personnelle des installations comportant une dimension électroacoustique fait souvent appel à l’expérience sensorielle et corporelle du visiteur, comme c’est le cas par exemple de l’installation de Samantha Horseman que le visiteur est invité à parcourir en marchant autour et à l’intérieur de l’installation. Dans « Suspended Imprints: An Exploration of space, sound and the inner monologue », Horseman partage sa réflexion sur le « dialogue entre les œuvres d’art sonore et la perception de l’individu ». Dans « Bodily Listening », Satoshi Morita parle d’« écoute corporelle » pour désigner l’expérience perceptive de sa Sound Capsule, laquelle enveloppe presque complètement le visiteur, une idée qui rappelle l’expérience par l’artiste d’une nuit pluvieuse sous la tente lors d’un voyage en Suisse.
Nouvelles rubriques
L’entrevue « Interview with Robert Normandeau », que Woloshyn a réalisée dans le cadre de ses recherches pour l’article mentionné précédemment, ainsi que des entrevues de Kalvos & Damian 4[4. Kalvos & Damian ont également contribué de manière spéciale au bulletin eContact! 10.2 — Interviews (1), en réalisant 40 des 115 entrevues publiées dans ce numéro.] avec Nick Didkovsky et Frederic Rzewksi inaugurent une nouvelle rubrique d’eContact! Kevin Austin lance également sa rubrique « Talk » où divers artistes répondront à « X questions » concernant leur cheminement et leur travail. Dans ce numéro, les compositeurs canadiens Darren Copeland, John Kamevaar, Steven Naylor et John Plant ont répondu à « 6 questions ». Restez à l’écoute pour d’autres contributions et entrevues à venir avec des compositeurs et des interprètes.
Nous espérons que vous apprécierez ce numéro et pour vous encourager à visiter en personne le Toronto Electroacoustic Symposium, nous vous offrons un aperçu de la programmation du TES 2011 (10–13 août), qui comptera notamment sur la présence de Jonty Harrison à titre de conférencier invité.
jef chippewa
10 juin 2011
Social top