[Rapport]
Quasar au Festival Electrochocs
Festival Electrochocs
Espace Jean-Pierre Perreault (Montréal)
24 janvier 2003
1 Description de la place (style, gens)
Situé à l'espace chorégraphique Jean-Pierre Perreault, 2022, rue Sherbrooke Est. L'endroit est très très grand, donc l'acoustique reste difficile à remplir efficacement. Les murs de briques s'ajoutent à l'ambiance spéciale (acoustique). En fait, il s'agit d'une ancienne église. Afin de localiser le plus possible les gens dans l'épicentre sonore de la pièce, ils ont attaché les chaises ensemble, rendant inconfortables plusieurs d'entre-nous. En effet, moi qui avait un monsieur assez corpulent à côté de moi, j'ai cherché la bonne position pour m'assoir toute la soirée ! Les gens semblèrent pour la plupart diversifiés, autant ouverts à la musique contemporaine qu'électroacoustique, les curieux aux goûts puristes ne semblaient pas des nôtres. Un public assez agé dans la trentaine-quarantaine.
2. Description de l'événement
Débuté à 20h30, Julien Roy présente ¨Les trois phases du froid¨ avec ¨Le souffle, Le souci du temps, Le buffle¨. Le saxophone baryton commence, dans le noir, avec un souffle dans son sax, repris peu à peu par Julien Roy. Celui-ci, pendant dix minutes, fait intervenir des effets tels que ¨reverb, flanger, convolution, granular¨ et des filtres en mouvements afin de donner une densité toujours accrue au vent. Ensuite, à partir de 15 minutes, le saxophone baryton se fait interpeler par le saxophone ténor, situé en arrière de nous; à notre surprise ! Puis, très rapidement se joignent aux appels le sax soprano à gauche puis le sax alto à droite. Ils sont tous assis, aux quatres côtés de l'assemblée. À l'aide de sons stridents en appels, clairs, brefs et parfois agressifs comme des clairons de chasses énervés, ils s'interpèlent rapidement et ils sont sans cesse retournés par Julien Roy et ses réponses par séquences de vents, de bruits de tapes de tampons de saxophones divers préenregistrés et des mélodies semblables aux cellules rythmiques de saxs préenregistrés. Toutes les sonorités sont rebondissantes (de fort-énervé à doux-calmé). Toutes les textures électroacoustiques tourbillonent en effet continu ¨surround¨, désorientant complètement les spectateurs, ne sachant où porter leur attention. Les saxs, poussés par l'électroacoustique, semblent de plus en plus enlevés. Puis, il semble que le vent disparait ainsi que les bruits de tapes des tampons de sax pour faire place à davantages de cut'n paste des appels de sax avec de puissants delay. Au-dessus du chaos des saxophones apparaissant ensuite une texture ea cristalline, étincellante, très très aigue et parsemée en picottements. Cette idée donne l'impression d'un évanouissement lors d'un choc avec son ambiance puissante et dérangeante, couvert d'un voile d'éclatement d'étincelle en hauteur, dans la tête.
Michel Frigon présente ensuite sa pièce ¨Pim'po¨. Les saxs sont toujours assis mais les quatres en face de nous. La pièce débute avec l'électroacoustique et les saxs simultanément avec des montées désorganisées de fréquences grimpants jusqu'à des plateaux de fréquences moyennes-hautes. Sans chromatique, toutes les sonorités sont en glissandos. Chacunes de celles-ci deviennent estompées en arrivant à un plateaux aigu de plus en plus dense de réverbérations et d'échos soutenus par Michel Frigon. Certaines phrases finissent par se terminer avec des attaques finales au sax en écho. Cette pièce est évidemment à la base une pièce contemporaine. Elle est très riche et il est même délicat d'incorporer de l'ea parmi celle-ci. Toutefois, Michel Frigon a su très bien s'incruster; l'ea donne plusieurs interludes en solitaire et le quatuor se donne des signes pour repartir ensemble. Plusieurs fois donc, tout arrête pour laisser la chimie s'installer entre l'ea et le quatuor. Puis tout cela fait place à une atmosphère calme et très grave, de plus en plus grave. L'ea n'est suivie seulement que par le saxophone baryton. La composition se termine alors dans un repos bien amené, par des oscillations analogues ea en solo.
Puis Monique Jean présente ¨Stabile¨. Les saxophones sont maintenant debout. La pièce débute avec une grande intro électroacoustique. L'ea a définitivement la prédominance tout le long de la pièce, le quatuor se fesant accompagnateur seulement. Les effets présents sont extrêmement diversifiés; beaucoup de jeux de traitements ¨live¨ par Max MSP qui analyse et transforme différente sections musicales telles qu'avec des ¨harmonizer¨ et des ¨vocoders¨qui désaccordent les tonalités. De plus, il semble que certains passages soit ¨triggés¨ (déclenchés) par l'un ou l'autre des saxophones. À ces instants débutent de grandes et puissantes sections ea soutenus des saxophones pendant que se déroulent toute une série de sons électro-digitals très intelligents et disparates. L'électroacoustique est très présente et puissante et ses interactions sont toujours en venue par surprises comme une image ou un souvenir qui revient toujours faire des siennes. Le tout se termine par une utilisation de mélange de spectres sonores tels qu'utilisés dans les effets de ¨convolution¨ et autre analyses de fréquences superposées.
Finalement Louis Dufort présente sa pièce ¨Manu Militari¨. Largement et davantage d'emphase électroacoustique que les autres compositions. Débutant avec un crescendo constant en glissando tranquille et venteux ¨noise¨, je crois qu'il s'agit de vent traité par synthèse ¨granular¨. Je crois que M. Dufort utilisait Max MSP afin de déclencher toutes ces sections dynamiques parallèles aux saxs et à l'ea. Ce début impressionnant et puissant se termine par un decrescendo par le saxophone baryton. Le tout reprend d'emblée et redescend encore sans sax, seulement à l'ea soutenu de façon ¨granular¨ en bourdonnement et grésillement. Puis encore une attaque des saxs ¨triggant¨ une descente avec ea en tremolo-glissando de façon à couvrir des gammes bizarres sans tonalités. L'ambiance ea est coupée, ils reprennent donc toujours en attaques mais acoustique (sans microphones générateurs de sons) avec de multiples petites descentes, se répondant les saxs aux autres, tout en descendant tranquilement les marches de la passerelle situées devant nous, sous des projecteurs rouges. Ils s'assoient devant nous devant leurs microphones. En se levant chacun leurs tour (1er est baryton), ils font des solos de plus en plus énervés. Plus ils jouent, plus la densité du spectre de fréquence reproduit aux octaves inférieurs est prononcée. De plus, plus ils jouent, plus leurs textures sont agressives, plus Louis Dufort les reproduit simultanément avec des basses fréquences imposantes. Il semble que l'amplitude de leurs solos soient proportionnels à la largeur du registre reproduit par M. Fufort. Donc, plus ils jouent forts, plus l'ea les appuient dans les graves. Les intervales entre les solos (de joueurs à joueurs) deviennent de plus en plus petits et agressifs. Le tout s'arrête, ils remontent les escaliers, acoustique, avec des petites montées de notes, se répondant mutuellement. Puis c'est le renouveau de la première section; les saxs apparaissent sous des projecteurs bleus en haut à droite sur une passerelle, avec puissance et effet de surprise incroyable; avec une attaque en début, déclenchée par ¨trigger¨ des sax, reprenant un crescendo avec texture ea large en registre. Ils terminent leur pièce avec des bruits de vents avec des effets de bouche sur leurs becs, à l'aide d'une couverture d'ea en decrescendo qui reprend le crescendo venteux ¨noise¨du début.
3. Description technique ( 14 hauts-parleurs )
L'agencement des systèmes audio fut simple, bien disposé quoique un peu trop loin des spectateurs. Les hauts-parleurs comprenant 2 principaux de marque ¨community¨ à chaque coin; ceux d'en avant surélevés par les caisses de deux ¨sub-woofers¨. Les 2 coins arrières étaient surélevés et projetés à angle vers les côtés (¨side-fields¨ simulés) donnant l'illusion de sons l'éloignés. Ensuite, sur le centre avant il y avait 2 hauts-parleurs de type ¨Fostex¨ aigu très très haut sur des trépieds, ainsi que deux au centre l'arrière, de chaque côtés de la console. La console de diffusion était très complexe, de marque ¨Motor Mix¨. Par contre, Julien Roy utilisait comme contrôleur un IBook Mac, relié à la console, situé à proximité des gens de l'auditoire (il était dans la salle avec son ordinateur, non à la console). D'autres compositeurs utilisaient des déclencheurs-séquenceurs analogues ¨Oxygen¨ ou des systèmes ordinés avec carte de sons mottu 828. Les microphones des saxophones aux quatres côtés ainsi qu'à l'avant étaient des AKG414.
4. Critique et commentaires
J'ai très apprécié la symbiose équilibrée entre le concert de musique contemporaine et d'électroacoustique. En effet, celui-ci ayant commencé plutôt avec l'emphase sur les saxophones pour les deux premières pièces, il s'est terminé avec l'emphase de l'électroacoustique pour les deux dernières. Par contre, ce que j'ai moins aimé fut la première et la deuxième pièce. Il m'a semblé que les saxophones étaient définitivement plus fort que l'ea, mal balancés. Soit par leur disposition plus près des spectateurs, soit par le niveau trop faible des hauts-parleurs où leur disposition lointaine. J'ai donc grandement apprécié aussi la façon dont les deux derniers compositeurs ont englobé leur pièces avec les saxophones, plus en retrait cette fois. Bien que les chaises beaucoup trop collées furent très désagréables, elles permirent de garder les gens près du centre, ce qui donnait une meilleure écoute pour tout spectateurs. J'ai grandement été impressionné par l'utilisation de l'espace par les saxophones ( autour de nous et en haut sur la passerelle ) ce qui amena plusieurs surprises par l'électroacoustique. Par exemple, lorsqu'ils se trouvèrent en haut à droite, Louis Dufort a pu jouer beaucoup avec l'effet chorus de droite à gauche, comme s'ils projetaient avec un front puissant. Cet effet donna l'impression qu'ils se défendaient d'une attaque de façon massive, puisque Louis Dufort les répondaient faiblement parfois avec différents attaques interpelantes à notre gauche. Louis Dufort me fut d'une grande inspiration. En effet, c'est la première fois que je vois l'utilisation de ¨trigger¨ aussi efficace. Ceci amène un contrôle des dynamiques ea incomparable et renforcie le jeu des musiciens de façons significative. J'ai grandement apprécié ce concert qui rejoignait ce que j'entend faire de l'électroacoustique; de la manipulation digitale et de l'interaction musicale avec les instruments de musiques en symbiose de musique actuelle.
Pierre-Olivier Dufresne
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